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Rôle du phosphore en élevage et son impact sur l’environnement

Extrait de Afterre 2050, version 2016 p19


"Le phosphore, élément critique :

Le phosphore est relativement peu abondant dans la lithosphère et absent de l’atmosphère. Il s’agit d’une ressource géologique non renouvelable dont les réserves sont estimées entre 100 et 250 ans. Le phosphore est recensé comme l’une des 20 matières premières critiques, et la seule qui concerne l’alimentation. Le phosphore est un élément assez peu mobile : à terme, la fraction non assimilée par les plantes peut être perdue par érosion et se retrouver dans les eaux de surface, contribuant à l’eutrophisation des milieux aquatiques, mais surtout finir au fond des océans, pour ne revenir sur la terre ferme qu’au terme de la prochaine ère géologique. La conservation du phosphore constitue un enjeu crucial, à la fois pour lutter contre la pollution et pour préserver les ressources non renouvelables : d’où l’importance de protéger les sols de l’érosion et de recycler intégralement le phosphore."


Publication de référence: Rôles, impacts et services issus des élevages en Europe58 (expertise INRA) p42 :

Dumont B. (coord), Dupraz P. (coord.), Aubin J., Benoit M., Bouamra-Mechemache Z., Chatellier V., Delaby L., Delfosse C. Dourmad J.Y., Duru M., Frappier L., Friant-Perrot M., Gaigné C., Girard A., Guichet J.L., Havlik P., Hostiou N., Huguenin-Elie O., Klumpp K., Langlais A., Lemauviel-Lavenant S., Le Perchec S., Lepiller O., Méda B., Ryschawy J., Sabatier R., Veissier I., Verrier E., Vollet D., Savini I., Hercule J., Donnars C., 2016, Rôles, impacts et services issus des élevages en Europe. Synthèse de l’expertise scientifique collective, INRA France.

La consommation de nutriments par l’élevage a fait l’objet de nombreux travaux, notamment l’azote qui a largement été étudié dans une expertise scientifique récente par l’INRA. La présente expertise aborde plus particulièrement le phosphore qui diffère de l’azote car c’est une ressource non renouvelable.

1 Une ressource non-renouvelable


Le phosphore est principalement utilisé par l’agriculture comme fertilisant. Son utilisation a été multipliée par quinze depuis 1950. Dans la mesure où il n'est pas substituable et ne peut pas être synthétisé, à la différence des fertilisants azotés (Cordell and White, 2013), c'est un élément déterminant pour la production alimentaire mondiale. Les réserves mondiales de phosphates minéraux sont limitées et concentrées dans un très petit nombre de pays (le Sahara occidental qui en possède plus des 3/4, la Chine et les Etats-Unis) constituant ainsi un enjeu politique et économique majeur. En 2008, le prix du phosphore a été multiplié par sept en quelques mois. Le pic de production devrait être atteint au cours de ce siècle (Figure 12). La hausse de la demande proviendrait à l’avenir majoritairement d’Afrique et d’Asie.


2. L’élevage fournit du phosphore pour les cultures et pour l’alimentation humaine


Le phosphore contenu dans les aliments du bétail et dans les déjections animales joue un rôle important dans les flux de phosphore. Les produits animaux contribuent largement aux apports en phosphore dans l'alimentation humaine (près de 60 % du phosphore total de la ration moyenne des Français, INCA2, 2009). La contribution réelle en termes de biodisponibilité pourrait être encore plus importante car le phosphore phytique des sources végétales est très faiblement digestible.

 

Le phosphore est par ailleurs déterminant pour les stratégies d’atténuation du changement climatique fondées sur le stockage du carbone dans le sol. Les travaux de modélisation conduits à l'échelle planétaire ont ainsi montré que, quels que soient les modèles de changements climatiques pris en compte, la disponibilité de phosphore des sols détermine la production primaire et, par conséquent, le stockage de carbone dans les écosystèmes en réponse à ces changements (Ringeval et al., 2014).

 

Enfin et surtout, les déjections animales restituent une partie importante du phosphore apporté aux animaux. En France, 40 % des apports de phosphore au sol proviennent des élevages (20 % au niveau mondial), 37 % des fertilisants minéraux, 14 % des résidus de culture, le reste correspondant aux boues municipales et dépôts atmosphériques. Le modèle de Senthilkumar et al. (2012) montre qu’actuellement et du fait de l’historique de fertilisation, environ 82 % du phosphore contenu dans les sols est d’origine anthropique (Senthilkumar et al., 2012). La capacité de rétention du phosphore par les animaux d’élevage estimés à partir des statistiques nationale est faible – de l’ordre de 20 %– mais l’efficacité apparente d’utilisation du phosphore par le couple « sol-cultures » atteint environ les ¾ des apports au sol. Ainsi, les bovins ont une efficacité de rétention faible mais, pour un niveau de fertilisation organique de l’ordre de 170 kg N /ha (plafond de la directive Nitrates), la quantité de phosphate épandable obtenue avec des effluents bovins (60-75 kg/ha) est proche du besoin pour l'équilibre de la fertilisation.

 

L'efficacité de rétention du phosphore estimée à partir de son utilisation par les animaux (30% chez la vache laitière, 40% chez le porc, 50-60% chez les volailles de chair) (Dourmad J.Y. (coord.) et al., 2016; ITAVI, 2013 ) est plus élevée que celle issue des statistiques nationales, mais la raison de cet écart reste à préciser.


3. Limiter l’excès de phosphore dans les sols


Sur un réseau européen de fermes laitières, Pflimlin et al. (2006) ont relevé des apports excédentaires plus importants dans les systèmes hors-sol ayant recours à des apports de phosphate minéral (Pflimlin et al., 2006). Les excédents semblent d’autant plus importants que la part de maïs dans la surface fourragère principale est élevée. La réduction des rejets de phosphore par les ruminants passe par le respect des apports journaliers recommandés dans l’alimentation du troupeau. Pour les élevages de monogastriques, les approches nutritionnelles consistant à améliorer la digestibilité du phosphore phytique de la ration des animaux (ajout de phytases) et à ajuster les apports en fonction du stade physiologique des animaux ont déjà produit leurs effets (Corpen, 2003 ; 2006 ; Dourmad, 2012) et le potentiel de nouveaux progrès semble faible. Quant aux effluents, le rapport phosphore/azote étant plus élevé que celui dont ont besoin les cultures et les surfaces d’épandage étant souvent localement faibles, le traitement et l’exportation du phosphore des effluents est nécessaire, surtout dans les zones d’élevage les plus denses.



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